Débat Patronal du GICAM, Acte 4, Edition du 14 octobre 2022Transformer l'économie Camerounaise : Défis, Opportunités et Stratégies

Transformer l'économie Camerounaise : Défis, Opportunités et Stratégies

Le Débat Patronal, rendez-vous d’échanges de haut niveau du Patronat a pris ce 14 octobre 2022 son 4ème virage. Dans un contexte de fragilités socioéconomiques accentuées par diverses crises, le débat a abordé la problématique de la Transformation de l'économie Camerounaise sous l’angle des défis, des opportunités et des stratégies à adopter.


En guise de propos d’accueil, Madame Aline Valérie MBONO, Directrice Exécutive du GICAM, après avoir rappelé les thématiques des trois premières éditions, a souhaité la bienvenue au parterre de personnalités ayant fait le déplacement. Elle en a profité pour préciser les objectifs de la rencontre, ses enjeux et les motivations du choix de la thématique portant sur la transformation de l’économie dans le cadre des actions du Patronat.


Monsieur Jean Marie NKA, Journaliste hors échelle spécialisé sur les questions économiques, a introduit la Partie Débat de l’évènement. Partant du constat implacable d’une Afrique et d’un Cameroun en panne, il a chuté sur l’espoir que constitue la machine à idées très active et illustrée par la massive participation à cet évènement.


Le Key Note Speaker, Professeur Célestin MONGA a livré, en s’appuyant sur une présentation forte illustrée, son analyse des défis et ses propositions pour transformer l’économie camerounaise.


Pour planter le décor, l’orateur a pointé du doigt la faible appropriation de la pensée économique endogène pourtant riche des écrits des précurseurs comme Ossendé Afana et Tchuindjan Pouemi. Et pourtant, les exemples de transformation visibles existent et devraient inspirer des politiques plus efficaces.


Ces politiques doivent absolument adresser les questions fondamentales liées au capital (financier, physique), la force de travail et surtout la productivité technologique ; cette dernière composante restant malheureusement le parent pauvre des politiques actuelles, y compris celles inspirées par les institutions internationales.


Il a appelé, en reconnaissant le caractère polémique de la question, d’éviter le vrai-faux diagnostic qui fait de la corruption l’alpha et l’oméga des échecs des politiques économiques en Afrique. Prenant des exemples précis, il a appelé à invalider l’hypothèse selon laquelle une croissance vigoureuse serait nécessairement corrélée à un bon classement sur les échelles de comparaison de l’indice de corruption.


Autres vrai-fausses hypothèses sur lesquelles le Professeur s’est attardé sont celles du déficit des infrastructures, du capital humain et la conception de l’exigence de stabilité macroéconomique et de réformes structurelles comme préalables à une croissance soutenue et donc à une transformation économique structurelle. Tous ceci illustré par des exemples tirés notamment de pays tels le Rwanda, la Corée du Sud et la Chine.


Le défi véritable est, selon le Professeur MONGA, de trouver la meilleure formule avec les capacités dont on dispose et d’éviter le piège de l’excès de réformes. Dans cette équation, la répartition de la force de travail est une question prépondérante.


Pour cela, il identifie quatre défis principaux que l’Afrique et les Africains doivent relever pour changer l’image de mendiant qui leur est associé :

  • le déficit d’amour propre qui induit une forte dépendance face au regard extérieur ;
  • le déficit de savoirs et de connaissances et notamment l’incapacité à copier ce qui marche et à le répliquer ;
  • l’incapacité à résoudre les conflits en déployant des mécanises endogènes appropriés ;
  • le déficit de leadership.


Pour cela et en termes de prérequis, il a appelé à réduire l’irrationnel, optimiser le choix des priorités, capitaliser le talent qui est, selon lui, « le Principal produit d’exportation », inculquer l’altruisme en chaque citoyen et la conscience d’un destin commun, et surtout l’attrait pour la connaissance, les idées et l’apprentissage.


Ayant posé ses bases, les réformes pour transformer l’économie devront porter sur :

  • l’adoption d’une politique budgétaire et d’endettement prudente mais ambitieuse en fonction des besoins et des priorités ;
  • la révision des indicateurs de mesure de la soutenabilité de la dette en tenant compte notamment des ressources naturelles dont dispose le pays ; 
  • la réforme de la politique monétaire et notamment celle du Franc CFA ; 
  • l’amélioration du ciblage sectoriel en matière de politique industrielle, sur la base d’une analyse des avantages compétitifs du pays ; 
  • le soutien affirmé de l’Etat aux créateurs de richesses, notamment en matière de digitalisation, de financements pour les investissements longs, d’incubateurs, de développement adéquat des zones économiques spéciales, de formation professionnelle et de développement des relations inter-entreprises ; 
  • Etc.


A l’image des lions Indomptables, nous devons montrer, a conclu le professeur émérite, que dans les pires situations, nous sommes capables de gagner.


L’exposé du Key Note Speaker a été suivi d’une brève séance d’échanges avec les participants. Ce fut l’occasion pour Monsieur Emmanuel Ngankam Noubissie et la Professeure Viviane Ondoua Biwolé d’évoquer les questions relatives :

  • au sort qui sera réservé à toutes les énergies et toutes les propositions dans un contexte où le dialogue public-privé est en léthargie ; 
  • à la prise en compte des chocs externes récents dans les hypothèses de base de la SND 30 ;
  • et l’approche pluridisciplinaire indispensable intégrant l’histoire, la sociologie, la politique et, l’anthropologie. 


En réponse, le Professeur Célestin MONGA a indiqué que la transformation requiert, d’une part, des dirigeants, l’adoption des bonnes méthodes pour identifier les bonnes personnes et les bonnes idées et d’autre part, la capacité des porteurs de bonnes idées à trouver les mécanismes indiqués pour se faire entendre par les décideurs.


Le Panel d’échanges a été introduit par l’intervention du Docteur Acha LEKE, s’exprimant depuis l’Afrique du Sud. Tirant les leçons de l’expérience que quelques pays ayant eue des résultats intéressants au cours des dernières années, il a relevé les facteurs que sont :

  • la qualité de la stratégie de développement élaborée de manière endogène et suivant une approche participative ;
  • la déclinaison de la stratégie en nombre restreint de projets et de réformes ;
  • la mobilisation des acteurs autour des projets et particulièrement le secteur privé local et international ;
  • la qualité du dispositif institutionnel d’implémentation.  


En termes de réformes clés, il a évoqué entre autres :

  • la qualité du dialogue public-privé qui devrait reposer sur une reconnaissance sincère et une valorisation effective du secteur privé ;
  • la qualité du dispositif de pilotage ;
  • la digitalisation et sa mobilisation comme levier à la construction du capital humain.


Monsieur FOHOPA Remon, intervenant au nom du Ministère Délégué chargé de la Planification auprès du Ministre de l’Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire, invité à se prononcer sur la validité actuelle des hypothèses de la SND30, est revenu sur les principales articulations du processus de planification dans lequel s’inscrit cette stratégie. 


La dynamique enclenchée par le DSCE, première phase de mise en œuvre de la vision 2035, a été freinée par les chocs externes, obligeant le pays à revenir à des ajustements conjoncturels. Aussi, la SND30 succédant au DSCE s’appuie sur un diagnostic partagé ayant impliqué le secteur privé et a fait un choix fort ; celui de la transformation structurelle de l’économie. Cependant, sa mise en œuvre se heurte aux crises récentes. Fort heureusement, la stratégie avait prévu des mesures d’adaptation qui peuvent être judicieusement activées.


Le Docteur Eric NJONG, dans sa position de Chef d’Entreprises œuvrant notamment dans les BTP, a relevé l’importance de la démarche. Celle-ci doit être inclusive dans l’identification des problèmes et la définition des solutions pour réussir ce que d’autre font déjà très bien.


Selon lui, les objectifs de la SND sont pertinents mais la question reste celle de l’approche à adopter pour mettre en synergie les différentes énergies. Une démarche cluster pourrait par exemple permettre de résoudre des questions de déficits de production dans certaines filières.


S’agissant du secteur des infrastructures en particulier, il revient aux investisseurs locaux de faire preuve de dynamisme et de sérieux pour se hisser à la hauteur des multinationales actives dans le secteur.


Monsieur Dieudonné ESSOMBA, le dernier membre du Panel a souhaité insister sur les questions considérées comme périphériques mais prenant pourtant une importance prépondérante comme freins à un décollage économique. Au rang de ces facteurs, il a énuméré :

  • le statut sociologique de l’entrepreneur très souvent perçu comme un prédateur ;
  • la perception de l’impôt comme juste rémunération de l’utilisation des infrastructures publiques ;
  • la politique du pouvoir d’achat axée uniquement sur le contrôle des prix et non sur l’amélioration des revenus ;
  • la prise en compte du jeu des acteurs ;
  • la centralisation ;
  • la restriction des marges de manœuvre aux seules politiques budgétaires. 


Pour débloquer le système, l’expert recommande de s’inspirer de l’expérience suisse du Wir (une monnaie complémentaire) pour mettre en place un système d’échange local basé sur une monnaie binaire.


Les participants ont salué la qualité du Panel et des différentes contributions (tout en souhaitant un Panel plus genré à l’avenir). Pour les enrichir davantage, ils ont évoqué :

  • la performance opérationnelle à travers la digitalisation, la formation continue, etc. ;
  • l’évaluation de la performance des administrations publiques ;
  • la faisabilité institutionnelle et juridique d’une seconde monnaie ;
  • la codification des réalités sociologiques et des facteurs non économiques ; 
  • l’optimisation des rôles régulateur et producteur de l’Etat ;
  • la problématique de l’inclusivité de la croissance et la prise en compte des classes moyennes. 


Le mot de clôture est revenu au Président du GICAM, Monsieur Célestin TAWAMBA, qui a d’abord tenu à remercier le Professeur Célestin MONGA ainsi que toutes les personnalités ayant fait le déplacement, les sponsors et l’ensemble du panel. Il a indiqué sa satisfaction sur la qualité des débats et des contributions tout en pointant du doigt les imperfections de la collaboration publique-privée.


Cependant et en dépit de tous les écueils, le GICAM reste et restera le creuset des lions indomptables de l’économie.




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