Hommage« Joseph Kadji Defosso était un guide »

« Joseph Kadji Defosso était un guide »

Le président du GICAM a rendu hommage à l’industriel Joseph Kadji Defosso au cours des obsèques de ce dernier, le 15 septembre 2018 dans son village à Bana.

Homme d’affaires aux idées prolifiques, Joseph Kadji Defosso a investi dans de nombreux domaines : l’industrie brassicole (en créant le groupe UCB), les assurances ou l’immobilier, pour ne citer que ceux-là.

Joseph Kadji Defosso avait reçu un trophée lors de la Nuit des Pionniers de l’économie camerounaise, organisée le 21 décembre 2017 par le GICAM.

Ci dessous le discours d'hommage de Celestin TAWAMBA:

Excellence Monsieur le Président du Sénat, Représentant personnel du Chef de l’Etat,
Messieurs les Ministres du Culte,
Excellences Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,
Vénérables et Honorables Parlementaires,
Leurs Majestés, les Chefs traditionnels,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’entreprise,
Mesdames et Messieurs ;

J’ai bien conscience que M. KADJI DEFOSSO appartenait au Cameroun, bien plus qu’à la seule organisation Patronale, le GICAM, dont je suis le représentant.

En dépit des tristes circonstances, c’est un grand honneur pour moi de devoir prendre la parole au nom des Entreprises membres du GICAM et de la Communauté des Affaires, pour adresser un suprême Adieu à un grand bâtisseur et pionnier parmi les pionniers de l’économie camerounaise, le Patriarche Fu'a Toula KADJI DEFOSSO.

La présente cérémonie de célébration de sa vie consacre la reconnaissance que nous devons, au-delà de l’éminent membre du mouvement patronal, à l’un des rares personnages du monde de l’entreprise qui, de par son parcours exceptionnel, nous aura inspirés. Ce grand visionnaire qui nous aura donné envie d’entreprendre, nous aura permis d’oser, et nous aura en définitive montré la voie à suivre dans le cadre de nos projets d’investissements et d’entreprises.

En ce quinzième jour du mois de septembre de l’an 2018, sur les collines de Bana, nous célébrons donc un modèle, un leader, un guide…

L’évocation de la vie du monument qu’était le respectable et respecté KADJI DEFOSSO, devrait pouvoir apporter un peu de réconfort et de consolation à sa famille que je sais meurtrie, et à laquelle j’adresse l’expression de la compassion émue du GICAM, de même que mes sincères condoléances.

Monsieur le Représentant personnel du Chef d’Etat,
Mesdames et Messieurs, 

C'est un Homme et un Entrepreneur aux vies bien marquées qui vient de tirer sa révérence !

Au moment où le Cameroun accède à l’indépendance en 1960, avec un secteur privé national embryonnaire, Joseph KADJI DEFOSSO, plante les graines fertiles de ce qui deviendra le Groupe KADJI, mieux encore, l’Empire KADJI. Dès cet instant, il s’impose comme l’un des précurseurs et le plus gros exportateur de la filière café – cacao.

Qu’importe les diplômes, car l’homme qu’il était, habité d’une sagesse aigüe et d’un instinct inné de la saisine des opportunités, trouve dans l’entreprise le moyen de donner corps au feu de l’initiative privée et de la prise des risques qui brûle en lui.

C’est alors, pour Joseph KADJI DEFOSSO, le début d’une irrésistible marche en avant, face à des filiales de grandes entreprises étrangères.

De cette aventure digne d’un conte de fées, je voudrais pour ma part, retenir, de manière quelque peu arbitraire, trois étapes marquantes parmi tant d’autres :

  • D’abord en 1972
  • Joseph KADJI DEFOSSO crée l’Union Camerounaise des Brasseries (UCB). Il prend le risque de se mesurer – j’allais dire – de s’attaquer aux Brasseries du Cameroun, groupe français et leader incontestable du marché local des bières et des boissons gazeuses, après en avoir été un des plus gros distributeurs.

    Alors que ces derniers absorbent des concurrents les uns après les autres, UCB fera plus que résister au mastodonte Les Brasseries du Cameroun.

    Cette capacité à faire front lui vaudra le respect de M. CASTEL, Président-Fondateur du Groupe CASTEL, maison-mère du concurrent local. Au mois de janvier dernier à Paris, M. CASTEL me raconta comment KADJI DEFOSSO et lui, au cours d’un conseil d’administration, en sont arrivés aux mains, tant il tenait par tous les moyens à faire prévaloir ses intérêts. C’était le KADJI Entrepreneur né, Patriote et Bagarreur au sens noble du terme, face à qui, les « longs crayons » comme on a l’habitude de les appeler chez nous, pouvaient avoir du souci à se faire…

  • 2ème étape marquante :1995
  • Alors même que l’idée d’investir dans le sport n’effleure aucun esprit au Cameroun, notre visionnaire créée la KADJI SPORTS ACADEMY (KSA) qui deviendra le plus prestigieux centre de formation sportive d’Afrique centrale et même l’un des plus grands d’Afrique.

    Ce centre a su construire sa renommée en hébergeant en son sein des footballeurs de talent connus et reconnus, tels que Samuel ETO’O, Idriss Carlos KAMENI, Nicolas NKOULOU, Stéphane MBIA, Eric DJEMBA DJEMBA et bien d’autres, qui ont écrit de belles pages de l’histoire du football camerounais et africain voire mondial.

  • 3ème étape marquante : 2013
  • Alors qu’on le croit fatigué, usé, KADJI DEFOSSO, avec l’acuité de son flair hors pair, s’installe dans le secteur de la grande distribution de niveau supérieur, secteur où le respect strict des standards internationaux impose une rigueur à laquelle nous sommes loin d’être habitués.

    Il devient ainsi le premier chef d’entreprise à ouvrir au Cameroun, en partenariat avec un grand groupe de distribution, en l’occurrence le français Super U, un supermarché moderne à Douala.

    Bien plus, en quelques décennies, KADJI DEFOSSO s’est déployé avec succès dans divers autres secteurs dont notamment :

  •     les matières plastiques avec Polyplast Cameroun ;
  •     la minoterie et les céréales avec la Société des Céréales du Cameroun ;
  •     les assurances avec les Assurances Générales du Cameroun ;

  •     l’immobilier avec de nombreuses SCI tant au Cameroun qu’à l’extérieur ;
  •     l’hôtellerie ;
  •     le transit ;
  •     le transport maritime ;
  •     le cinéma dont il était l’un des pionniers, avec plusieurs salles sur l’étendue du territoire dont la mythique salle de cinéma « Le Capitole » à Yaoundé.
  • Mesdames et Messieurs,

    Le GROUPE KADJI, c’est un empire industriel parmi les plus importants du Cameroun, avec un poids économique mesuré par un chiffre d’affaires consolidé culminant à plusieurs milliards de FCFA et des effectifs salariés de milliers de personnes.

    Ces succès sont bel et bien la manifestation de la conception qu’avait l’homme de la bataille économique, et qu’il résuma fort à propos dans une déclaration tenue le 09 octobre 1993 lors d’une cérémonie de remise des prix « MAJORS UCB » :

                « Un homme qui n’est pas capable de surmonter son problème n’est pas un homme. Un homme qui ne peut transcender l’adversité et ignorer son ennemi n’est pas un homme. Seule la mort ne peut être conquise par l’homme, toute crise peut être surmontée si l’homme veut ».

    Monsieur le Représentant personnel du Chef de l’Etat,
    Mesdames et Messieurs,

    Joseph KADJI DEFOSSO était le « Pape » du Milieu d’Affaires.

    Il était l’un des tout premiers de ces grands pionniers de l’entreprise et de l’économie camerounaise que le GICAM et ses membres ont célébrés au mois de décembre 2017, pour leur inestimable contribution à l’essor de notre pays.

    M. KADJI DEFOSSO, était un self made man, il personnifiait le courage, l’audace, la vista, le flair, la prise de risques, la sagesse, la détermination, la pugnacité, le patriotisme économique, mais aussi l’humilité et la foi dans les affaires.

    Ardent défenseur du patriotisme économique, il avait choisi de ne pas prendre de retraite.

    Son engagement pour la promotion de l’ entrepreneuriat national et sa contribution à la reconnaissance à l’extérieur du Cameroun comme l’un des pays Africains où les nationaux détiennent une part significative de l’économie, influenceront encore longtemps, l’action du Patronat.

    Sans le connaître, sans l’avoir jamais vu, sans l’avoir jamais entendu, nombreux sont les camerounais dont la fierté empruntait une partie de la réussite du patriarche KADJI DEFOSSO.

    Créer de la richesse était son ADN, mais KADJI DEFOSSO ne faisait pas de l’accumulation d’actifs, une fin en soi. De fait, au-delà des préoccupations purement économiques, il avait un intérêt marqué pour les questions sociétales, et pour le rôle des entrepreneurs dans la communauté.

    La FONDATION FU'A TOULA KADJI DEFOSSO, répond à cette exigence propre. Elle a été créée pour encourager l'excellence, promouvoir l'éducation, et subvenir aux besoins des plus démunis.

    Le Président KADJI n’a pas toujours été un enfant de coeur, loin s’en faut. Mais ce qu’il a construit, fait et affiché, et qui lui vaut les honneurs du jour - qu’il s’agisse d’actifs financiers ou matériels, de stratégies de conquêtes de marchés, ou encore du respect suscité par le rayonnement du Cameroun à l’étranger à travers lui - appartient pour l’éternité au Cameroun.

    De fait, le Président KADJI a légué un grand testament aux acteurs privés et publics : son oeuvre est un véritable cas d’école.

    De l’endroit où il se trouve, il serait fier - s’il apprenait que nous avons pris conscience du fait que le business - ce n’est ni un jeu, ni une rigolade, mais la mise en commun du travail, de l’effort, de l’obstination, d’un peu d’impertinence, et d’un brin de folie.

    Le Président KADJI ne s’embarrassait pas de précautions locutoires, et disait ce qu’il avait à dire, avec les premiers mots qui lui venaient à la bouche.

    Des anecdotes foisonnent qui illustrent ce trait de caractère, dont ces propos tenus lors d’un débat sur la fiscalité que les protagonistes avaient fini par traîner en longueur, au point d’exaspérer M. KADJI.

    Prenant à témoin le Ministre qui présidait la séance, il s’insurgea en ces termes, écoutez bien les nuances : « On n’a pas là pour la discuté des questions de la patati et patata. On a là pour la discuté de la Fiscal ! »

    Il lui arrivait parfois de mêler langue maternelle et langue française dans ses interventions, le but étant de n’avoir aucune difficulté à faire passer son message. Tenez : « on est ici pour le problème du Mbrete » en d’autres termes « on est ici pour le problème du pain ».

    Ce franc parler dont nous étions friands ajoutait à son habileté dans les négociations, quitte à ce que celles-ci s’apparentent parfois à de l’entourloupe derrière laquelle, en fait, se révélait le génie de l’homme d’affaires et de l’entrepreneur.

    Dans la réalité, le Président KADJI DEFOSSO se méfiait de toutes ces personnes qui parlent bien, et qu’il avait tendance à assimiler à des feyman…

    Je me suis laissé conter une histoire dans laquelle un soi-disant investisseur expliquait au Président KADJI, un prétendu projet d’investissement sans avoir prononcé le mot FRANC au bout de dix minutes.

    Exaspéré par ce long discours qui n’abordait aucun aspect d’un quelconque business, le Président KADJI confia à son collaborateur qui l’assistait, qu’il faut faire extrêmement attention à ce genre de personnes qui, au bout de 5 minutes, n’ont toujours pas prononcé le mot FRANC…

    Monsieur le Représentant personnel du Chef de l’Etat,
    Mesdames et Messieurs,

    Je voudrais à présent, avec votre permission, m’adresser directement à l’illustre disparu :

    Cher Patriarche,

    Vous laissez un grand vide au sein de la grande famille des entrepreneurs et des chefs d’entreprises au Cameroun.

    Vous n’étiez pas un poète, le chrétien que vous étiez, ne s’embarrassait pas de la crainte de la mort.

    Pour preuve, vous avez depuis plus de vingt ans, érigé la chapelle dans laquelle nous nous trouvons, vous préparant ainsi chaque jour à la rencontre avec l’Eternel.

    Au moment où vous allez nous quitter pour l’éternité, point n’est besoin de jeter des fleurs sur votre cercueil, car vous avez su, par votre courage, votre audace, votre flair, votre persévérance et votre intrépidité, vous tresser une couronne de lauriers immortels.

    Nous, vos successeurs, nous vous reconnaissons solennellement la place qui est la vôtre dans cette phalange de héros et de pionniers de l’entreprise africaine.

    C’est pour tout cela que nous vous célébrons et que nous célébrons votre vie !

    Merci pour votre engagement,

    Merci pour votre oeuvre,

    Merci pour tout ce que vous nous avez inspiré et appris.

    Puisse le Seigneur, à présent, vous accorder la digne place qui est la vôtre auprès de lui.

    Monsieur le Représentant personnel du Chef de l’Etat,

    En renouvelant les sincères et profondes condoléances du monde de l’entreprise à la famille, je souhaite pouvoir dire ceci à sa progéniture :

    C’est un précieux héritage, un immense patrimoine d’initiative, de gestion et de patriotisme que nous lègue le Président KADJI DEFOSSO.

    Mais le Président KADJI n’a pas fait que laisser un patrimoine ; Lui-même est un patrimoine que le village Bana doit conserver jalousement.

    Il est vital que l’héritage que vous recevez soit pérennisé. Nous vivons, comme un traumatisme, les dérèglements et batailles de succession pour le partage du gâteau, qui ont lieu ou bien se produisent ici et là au lendemain de la disparition de certains illustres entrepreneurs dans notre pays. L’histoire économique montre que dans les pays développés, les grandes dynasties économiques ont joué un rôle essentiel dans la réussite économique du pays. Le Groupe Kadji fait partie du patrimoine économique national, il est du devoir de la famille de faire en sorte qu’il le demeure à jamais.

    Le GICAM se tient à vos côtés pour la suite de l’oeuvre du Patriarche. Notre organisation qui a tant reçu de lui sera toujours disposée à apporter toute l’ingénierie nécessaire afin que toujours brille son empire.

    Patriarche Fu’a Toula Kadji Defosso reposez en paix, vous, l’entrepreneur tombé sur le champ d’honneur !

    Adieu PRESIDENT-Adieu GRAND PATRON !

    Télécharger l’hommage de Célestin Tawamba ici


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