Date : 25/11/2019 14:27
Privatisations – Contrats de
partenariats public/privé – Développement du secteur privé, c’est autour de ce
triptyque que le GICAM a convié un panel de haut niveau pour échanger avec les
patrons d’entreprises à l’occasion de l’Acte 2 de son nouveau rendez-vous sur
les questions économiques, le Débat Patronal.
Sous la modération de M. Vincent
KOUETE, Secrétaire Exécutif Adjoint du GICAM, trois interventions et
exposés ont planté le décor des échanges autour de ces problématiques.
Le Pr Valérie ONGOLO ZOGO,
Consultante internationale,
experte
en planification et évaluation des politiques de transport et en Contrats
de Partenariat Public-Privé et par ailleurs Conseiller
Technique N°1 au Ministère des Transports, Key Note speaker de la soirée a ouvert
le bal en dressant un cadrage général de la thématique.
Evoquant le contexte et
l’historique des privatisations au Cameroun, elle a indiqué que ce processus, introduit
en Afrique dans les années 90 dans le cadre des Programmes d’Ajustement
Structurels, trouve son ancrage dans le Consensus de Washington qui prône le
désengagement de l’Etat de l’activité économique.
Au Cameroun, il a surtout pris la forme de cessions
d’actifs et a effectivement abouti pour dix-huit
entreprises dont quelques unes ont malheureusement disparu depuis lors,
notamment : COCAM et CAMSUCO.
Le bilan économique et social
des privatisations au Cameroun affiche cependant des résultats plutôt mitigés, caractérisés
notamment par le non-respect des cahiers de charges par les repreneurs ;
la mauvaise couverture des zones rurales ; les tarifs prohibitifs des
services publics et la faible densité des services publics notamment dans les
zones rurales. Si le bilan financier paraît positif pour l’Etat, les résultats
en termes d’amélioration des performances productives ont été obérés par les
coûts cachés, la pratique de l’optimisation fiscale et les prix de transfert.
Les Partenariats Publics
Privés (PPP) sont une forme plus subtile mais aussi plus complexe des
privatisations. Ils consistent à
associer des opérateurs privés, au financement des investissements publics,
tout en leur confiant l’exploitation des infrastructures financées
(construction des stades, des ports…), à travers un contrat spécifique qui
définit les droits et obligations de chacun des partenaires.
D’après l’experte, les risques sont inhérents à
la nature des PPP. Ils sont d’ordre technologique, organisationnel, financier,
contractuel, et institutionnel et confèrent aux PPP un caractère couteux et une
complexité qui implique des négociations longues et difficiles. Si les avis sur
leurs impacts sur le développement restent partagés, les PPP continuent de
prospérer et de s’étendre à des secteurs divers.
Le Cameroun n’est pas resté en marge de ce mouvement
et s’est doté d’un cadre législatif et institutionnel de promotion et de mise
en œuvre des contrats de partenariat public/privé. Pour les entreprises
camerounaises, en plus d’une implication directe, les PPP ouvrent des
opportunités importantes en termes de sous-traitance, de services connexes, de
maintenance et même de conseil.
Ces opportunités devraient se multiplier dans la
perspective de la réalisation des ODD qui constituent aujourd’hui le nouvel
agenda mondial de développement.
Aussi, qu’il s’agisse des PPP ou des privatisations,
il revient aux entreprises de se doter des capacités nécessaires pour en faire
des leviers de développement pour elles et pour le pays.
Très attendu, le premier panéliste, le Pr Dieudonné
BONDOMA YOKONO, en sa qualité de Président du Conseil d’Appui à la
Réalisation des Partenariats (CARPA), a structuré son exposé autour de la
présentation des différents types et formes de PPP, du cadre normatif des PPP,
et du lien entre les privatisations et les PPP.
Il en ressort essentiellement que les PPP peuvent être
de type
institutionnel (création d’une structure) ou contractuel (contrat entre un
partenaire public et un partenaire privé). Depuis sa
création en 2006, le CARPA intervient essentiellement dans les PPP contractuels
et a déjà évalué 54 projets.
Parmi ceux-ci, 21 contrats de partenariat ont
effectivement été signés. Deux (02) d’entre eux sont déjà arrivés à échéance et
9 s’exécutent normalement pour un montant
de près de 140 milliards de FCFA d’investissement. Les secteurs concernés sont l’aménagement
urbain, la santé, l’immobilier, les systèmes informatiques, la construction d’entrepôts
et le transport urbain. Fait notable, la majorité des contrats ont été signés
avec des entreprises et des investisseurs nationaux.
Pour le Président du CARPA, le recours aux PPP assure
et rassure sur la garantie d’un service public de qualité aux populations,
contrairement à une privatisation où la quête du profit est souvent le facteur
prédominant. Aussi, il a appelé les entreprises à s’y intéresser davantage et réaffirmé
la disponibilité du CARPA à les accompagner.
Le second panéliste, le Dr
Daniel ETOUNGA MANGUELLE, Président Directeur Général de Société Africaine
d’Etudes et d’Exploitation et de Gestion (SADEG) a porté la voix des chefs
d’entreprises.
Considérant qu’il est
indispensable d’aller au delà de « l’arbre qui cache la forêt", il a
davantage insisté sur les causes profondes des privatisations qui sont
notamment liées au modèle économique de la plupart des pays africains hérité de
la colonisation et reposant essentiellement sur la production et l’exportation
des produits de rente ainsi qu’à la mauvaise gouvernance et à la corruption qui
gangrènent presque tous les compartiments de la société. Pour améliorer la
situation actuelle, l’orateur propose notamment de mettre en œuvre le concept
d’e-Gouvernement, de revoir la fiscalité, et privilégier l’intérêt collectif.
Au cours des échanges, les chefs
d’entreprises ont fait part de leurs préoccupations notamment en matière de :
-La gestion des risques dans
les contrats PPP ;
-La spécificité des contrats
PPP par rapport aux marchés publics traditionnels ;
-L’informatisation des
processus et des démarchés pour pallier l’insuffisance des capacités ;
-Le bilan mitigé des
privatisations et des PPP au Cameroun ;
-Le rôle capital des analystes
économiques dans le processus de privatisations ;
-Les secteurs de souveraineté
qui ne devraient pas faire l’objet de privatisations comme l’électricité et
l’eau ;
-Les PPP comme une autre forme
d’endettement ;
-La capacité des entreprises
camerounaises dans le cadre des PPP ;
-Les mesures pour assurer une
plus grande implication des entreprises camerounaises dans les PPP.
Au terme de l’Acte 2 du débat
patronal du GICAM, on peut retenir qu’en dépit de la complexité des contrats
des PPP, l’Etat est engagé à promouvoir cette nouvelle forme de
contractualisation qui met le secteur privé au cœur de la réalisation des
infrastructures et de la fourniture des services publics. Il appartient
désormais aux entreprises de s’y engager notamment dans le cadre de la
sous-traitance mais également en prenant le leadership comme l’on déjà fait
certains pionniers au Cameroun et comme cela est déjà le cas dans d’autres pays
africains.